Industrie | 23/02/2024

Utilisation unique au monde d’un robot industriel à l’Institut Paul Scherrer

Le robot ABB fait ses preuves dans le laboratoire d’essais à chaud du PSI pour l’analyse des tubes-gaines de barres de combustible

L’intégrité des gaines des barres de combustible des centrales nucléaires de Gösgen et Leibstadt est analysée à l’Institut Paul Scherrer. Pour la manipulation des échantillons radioactifs, l’équipe du laboratoire d’essais à chaud utilise un robot industriel d’ABB, pour une application unique en son genre.

L’IRB 120 ne pèse que 25 kilogrammes. C’est l’un des robots industriels les plus petits et les plus légers d’ABB. À l’Institut Paul Scherrer (PSI) de Würenlingen, en Argovie, il travaille dans une cellule d’environ six tonnes, étanche aux gaz et recouverte d’une grande quantité de plomb. L’équipe du laboratoire d’essais à chaud l’utilise pour tester la fragilité d’échantillons de tubes-gaines pour barres de combustible. «À notre connaissance, c’est le seul robot industriel au monde apte à manipuler des matières radioactives dans le domaine nucléaire», explique Holger Wiese, ingénieur de développement au PSI, qui a lui-même programmé l’IRB 120 à cette fin.

Tubes-gaines pour barres de combustible en alliage de zirconium
Les combustibles utilisés dans les centrales nucléaires sont contenus dans des tubes-gaines. Ceux-ci doivent résister à des températures et des pressions élevées pendant le fonctionnement et ne doivent pas se fissurer après le retrait des barres de combustible épuisées. Ces tubes-gaines, typiquement de quatre mètres de long, d’un diamètre d’un centimètre et d’une épaisseur de paroi de 0,6 millimètre, sont fabriquées dans un alliage composé à 98% de zirconium. Très résistant à la corrosion, cet alliage ne fond qu’à plus de 1800° Celsius, et est en quelque sorte «transparent» pour les neutrons, c’est à dire qu’il permet la fission nucléaire dans les barres de combustible qu’il protège.

L’hydrogène peut fragiliser les tubes-gaines
Rudolf Schwarz, technicien au laboratoire d’essais à chaud: «Les alliages utilisés pour ces gaines sont en constante évolution. L’objectif est d’empêcher autant que possible l’hydrogène de pénétrer dans les tubes-gaines». La radiolyse réalisée dans le réacteur décompose partiellement en oxygène et en hydrogène l’eau utilisée comme milieu porteur de l’énergie libérée et comme réfrigérant. De l’hydrogène est aussi libéré par l’oxydation de la paroi extérieure du tube-gaine. L’hydrogène libre peut migrer en partie vers l’intérieur du tube-gaine, risquant de le fragiliser mécaniquement et de le rendre friable.

Rudolf Schwarz (à gauche) et Holger Wiese devant la cellule robotisée bien protégée avec l'IRB 120, qui est utilisée dans le laboratoire à chaud du PSI pour l'analyse des gaines des barres de combustible.

La manipulation des tests de tubes-gaines était auparavant manuelle
«Une partie de nos activités ici consiste à tester la fragilité des tubes-gaines des barres de combustible des centrales nucléaires de Gösgen et Leibstadt. Donc d’analyser la quantité d’hydrogène qu’ils contiennent», explique Holger Wiese. Pour ce faire, des échantillons de tubes-gaines sont prélevés, ayant contenu des barres de combustible d’âges différents et composés chacun d’un alliage de zirconium spécifique. Ces échantillons sont fondus et traversés par de l’hélium pour mesurer la teneur en hydrogène dans le volume d’hélium utilisé. Les résultats sont rapportés aux exploitants des centrales et aux fabricants de matériaux, qui doivent prouver à l’autorité de surveillance que l’exploitation est sûre. Comme les échantillons de tubes-gaine sont radioactifs, cela a été fait au PSI dans de très grandes cellules protégées par du plomb et du verre blindé épais. Les intervenants responsables manipulaient les échantillons et les petits creusets à l’aide de pinces mécaniques, une activité fatigante et demandant beaucoup d’habileté.

«Nous avons surtout été convaincus par le logiciel RobotStudio d'ABB, qui nous permet de le programmer nous-mêmes vraiment facilement.»

Test automatisé et autoprogrammé avec RobotStudio
«Un robot pourrait tout aussi bien s’en charger», s’est dit Holger Wiese il y a quelques années déjà. Le chemin vers une cellule robotisée fonctionnant de manière fiable dans le laboratoire d’essais à chaud a été long, car il s’agissait d’un terrain totalement vierge. Le choix s’est porté sur le robot IRB 120 d’ABB. «Il doit être le plus petit possible afin de pouvoir rendre la cellule plus compacte et plus légère. Avec ses six axes, nous pouvons le diriger vers n’importe quel endroit de la cellule. Mais c’est surtout le logiciel RobotStudio d’ABB, qui nous a convaincu car il permet de le programmer nous-mêmes très facilement». Ils ont d’abord exposé le robot à un certain niveau de radiation pendant trois mois pour voir s’il pouvait supporter une utilisation dans un environnement radioactif.

Carte de commande blindée séparément
L’IRB 120 est monté latéralement sur l’une des parois blindées avec beaucoup de plomb. Le robot a fait preuve de résilience, mais sa carte de commande n’a apparemment pas résisté à l’exposition aux radiations et est tombée en panne au bout d’un an. Un deuxième IRB 120 a été acheté et son faisceau de câbles a été rallongé pour pouvoir monter sa carte de commande à l’extérieur de la cellule. Elle est protégée par une couche de tungstène, un métal rare dont la densité élevée bloque particulièrement bien les radiations.

Manutention des échantillons uniquement par l’IRB 120
La cellule a été construite autour de la zone de travail du robot. Il implémente toute une série d’étapes de travail. Il prélève d’abord l’un des échantillons de tube-gaine préalablement amenés et placés dans des creusets en aluminium, le place sur une balance, puis le bascule dans la tubulure d’alimentation du four à électrodes. Il remet le creuset en aluminium vide sur la balance puis dans le support d’alimentation. Il va ensuite chercher un creuset en graphite, introduit dans la cellule depuis l’extérieur par un système de tuyaux. La cellule robotisée est en dépression. Le robot place ce creuset dans le four à électrodes, où il est rempli de l’échantillon, qui fond alors à environ 2200° Celsius. La teneur en hydrogène de l’échantillon est testée avec de l’hélium comme gaz porteur par un analyseur. Ensuite, l’IRB 120 retire le creuset contenant l’échantillon et le place dans un porte-pièce.

La maquette montre les dimensions des barres de combustible avec les pastilles d'oxyde d'uranium et leurs gaines.

Entretien exclu pour des raisons évidentes
Rudolf Schwarz: «Nous avons d’abord effectué de nombreux tests avant d’être convaincus que le processus était adapté à l’analyse d’échantillons radioactifs. La fiabilité du robot utilisé est également importante. Impossible d’effectuer l’entretien d’un robot dans un environnement radioactif».

Une centaine d’analyses par an
Aujourd’hui, le PSI effectue dans cette cellule robotisée unique en son genre une centaine d’analyses de tubes-gaines provenant des centrales nucléaires suisses. Il permet de continuer à garantir la sécurité de leur fonctionnement, mais aussi d’encourager le développement d’un matériel offrant une sécurité encore plus grande.