Interview | 13/10/2016
Interview avec Andreas Meyer
«Un an plus tôt que prévu»
Que signifie la mise en service du tunnel de base du Saint-Gothard pour les CFF?
Nous sommes fiers et nous nous réjouissons à l’avance de pouvoir exploiter dès la fin 2016 le plus long tunnel ferroviaire du monde. Nous avons réussi à inaugurer le tunnel un an plus tôt que prévu et sans dépasser le budget, ce qui témoigne de la qualité de la gestion de projets en Suisse. C’est aussi ce que j’ai pu constater à l’époque chez ABB. Cet ouvrage du siècle montre aussi qu’en alliant fiabilité, innovation et collaboration, nous pouvons réaliser de grandes choses. C’est ce qu’ont prouvé les milliers de collaborateurs des CFF qui participent à la mise en service du tunnel. En inaugurant ce tunnel de base à Saint-Gothard, nous réalisons non pas une, mais plusieurs performances dans l’histoire des transports. L’inauguration est aussi l’occasion idéale de regarder vers l’avenir et de se pencher sur les futurs développements de la mobilité.
Qu’en est-il pour le trafic ferroviaire européen?
Le tunnel de base du Saint-Gothard permet aux voyageurs et aux marchandises d’atteindre plus rapidement leur destination. L’axe nord-sud rénové du Saint-Gothard profitera d’un vrai regain de dynamisme dès la fin 2016. Et avec la mise en service du tunnel de base de Ceneri et le corridor de 4 m, il devrait être ultra-performant à partir de fin 2020. À cette date, environ 260 trains de marchandises emprunteront chaque jour la voie ferrée à travers les Alpes, soit près de 50% de plus qu’aujourd’hui. Le temps de trajet des voyageurs sera quant à lui réduit d’une heure entre Zurich et Milan. Les nouveaux trains Giruno, que nous mettrons en service en 2019, amélioreront la qualité de voyage.
Quel impact a le tunnel de base du Saint-Gothard sur le reste du réseau et sur les capacités des CFF? Va-t-il soulager le réseau ou va-t-il générer un tel essor que l’on pourrait craindre l’apparition de goulets d’étranglement à certains endroits?
De fait, notre réseau ferroviaire est l’un des plus empruntés du monde: plus de 100 trains circulent chaque jour sur chaque voie principale, un chiffre qui a tendance à augmenter. Sur l’axe nordsud du Saint-Gothard, nous nous attendons à voir doubler la demande dans le trafic de voyageurs d’ici 2020 et ainsi atteindre près de 20 000 voyageurs. Cependant, il n’y a pas à craindre à ce jour de goulets d’étranglement liés au tunnel de base du Saint-Gothard. Un concept d’exploitation parfaitement pensé nous permettra de gérer la demande sur l’axe nord-sud. Un système de signalisation et de protection des trains de nouvelle génération permettra à partir de 2020 de faire circuler à travers le tunnel de base du Saint-Gothard six trains de marchandises et de voyageurs chaque heure et dans chaque direction.
Quelles tâches particulières la mise en service implique-t-elle pour les CFF?
Les CFF ont pour mission d’assurer la circulation sûre, fiable et ponctuelle de 260 trains de marchandises et 48 trains de voyageurs chaque jour à travers les Alpes. D’ici la mise en service, des millions de détails devront être réglés, des milliers de démonstrations devront être réalisées, de méticuleuses séries d’essai devront être effectuées et de nombreuses autorisations devront être obtenues. Grâce à l’investissement et au professionnalisme de tous les collaborateurs, que nous remercions, le travail de mise en service se présente sous les meilleurs auspices.
Les CFF ont-elles dû réaliser des innovations techniques sur les véhicules en vue du franchissement du nouveau tunnel de base? Et si oui, lesquelles?
Nous avons préparé notre flotte nationale de véhicules aux exigences accrues du tunnel de base du Saint-Gothard. Jusqu’à la mi-2016, 18 trains pendulaires Intercity, 13 locomotives Re 460, 119 voitures Intercity et 179 locomotives de ligne et 15 locomotives de manœuvre ont été transformés par CFF Cargo. Les travaux concernent essentiellement la protection anti-incendie et la signalisation en cabine qui ont été remises à niveau afin de renforcer la sécurité sur tout le réseau des CFF. Parallèlement à cela, environ 3900 collaborateurs des CFF, d’autres chemins de fer et d’équipes de secours ont suivi une formation.
Le Saint-Gothard ne représente plus un obstacle pour l’avenir. Quels sont les obstacles ou les problématiques annoncés pour les CFF et pour le trafic ferroviaire en Europe en général?
La concurrence intermodale, autrement dit la concurrence entre les différents modes de transport, s’intensifie. Il est de plus en plus facile pour les clients de comparer le confort et le rapport qualité-prix de chaque offre. Dans le même temps, le coût total du chemin de fer augmente, tandis que d’autres modes de transport tablent sur un potentiel d’économie de 50%. En outre, les instances publiques font pression pour faire des économies. Sans oublier que les exigences imposées aux chemins de fer en matière de réglementation et d’aménagement urbain sont complexes et ont tendance à se renforcer, par exemple suite à l’application des normes de l’UE ou à des conditions de plus en plus difficiles pour la passation de marchés publics.
De quelle manière le trafic ferroviaire et notre mobilité vont-ils évoluer selon vous au cours des décennies à venir?
De nouvelles technologies apportent avec elles de nouvelles façons de vivre et de travailler. Les clients veulent se voir proposer des offres de porte à porte complètes et simples. L’antagonisme rail-route fait partie du passé. À l’avenir, les clients géreront leur mobilité de manière flexible, en fonction de leurs besoins personnels, sachant qu’ils évoluent sans cesse. Par ailleurs, de nouveaux éléments s’invitent dans la chaîne de la mobilité, par ex. les bus grandes lignes et même parfois les véhicules sans conducteur. Ils ont la capacité de devenir un moyen de transport individuel public et ainsi de combler les lacunes des transports publics classiques. La concurrence dans le trafic de marchandises va s’intensifier en raison de l’arrivée d’offres flexibles et respectueuses de l’environnement sur route, comme le «Platooning», un convoi automatisé dans lequel les camions se déplacent à faible distance sur les autoroutes. La mobilité va considérablement évoluer et cette évolution va s’accélérer.
Quelles innovations techniques prévoyez-vous?
La numérisation est aussi un moteur important dans les transports publics. Elle nous permet de personnaliser de mieux en mieux les offres de mobilité en fonction des besoins individuels des clients. Les prochaines générations ne sauront plus ce qu’est un horaire. Prenons un exemple: si vous avez un rendez-vous commercial dans une autre ville, un aller et retour seront également réservés avec l’entrée dans l’agenda en tenant compte des modes de transport les plus adaptés. La numérisation nous permet aussi de structurer plus efficacement l’exploitation ferroviaire, comme le montre entre autres le concept d’exploitation du tunnel de base du Saint-Gothard.